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robert redeker - Page 3

  • Et maintenant, l'interdiction de la discrimination linguistique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Robert Redeker au Figaro Vox, dans lequel il évoque une nouvelle disposition du Code pénal qui proscrit désormais la discrimination linguistique... Philosophe, Robert Redeker est l'auteur de nombreux essais et vient de publier L'école fantôme (Desclée de Brouwer, 2016).

     

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    Robert Redeker : «La loi sur la discrimination linguistique dissout la langue française»

    FIGAROVOX. - La loi de modernisation de la justice a amendé l'article 225 du Code pénal. Désormais, est considérée discriminatoire «toute distinction entre les personnes physiques [ou morales] sur le fondement [...] de la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français». Que cela vous inspire-t-il?

    Robert REDEKER. - Notre pays est pris depuis une décennie d'une folie anti-discriminatoire ravageuse. On oublie ainsi l'essentiel: certaines discriminations sont fondées, utiles au bien public ou à la cohérence historique de la nation. C'est que l'anti-discrimination est devenu un absolu, une idéologie absolutiste au lieu de rester un outil dont il faut savoir faire un usage modéré. Sans discriminations aucune société ni aucun corps politique ne peuvent se constituer. Être, c'est tracer des frontières, délimiter un dedans et un dehors, inclure et exclure, c'est donc discriminer. Poussé jusqu'à son terme, le délire antidiscriminatoire est dissolvant: il communautarise et atomise les unités politiques, les fait exploser. Son horizon est un retour à l'état de nature, celui de la guerre de tous contre tous. Hobbes nous l'a appris: l'égalité parfaite est la source des guerres civiles, des plus violents déchirements. Plus on va vers l'égalité, plus on va vers la guerre. L'égalité de toutes les langues transformerait notre pays en un état de nature linguistique. Il importe de rapprocher cette décision de l'affirmation par certaines autorités du Ministère de l'Éducation nationale que les règles de grammaire sont négociables avec les élèves.

    Le chemin indiqué par cette disposition anti-discrimination, en complément de dizaines d'autres, est celui de la disparition de la norme, de la dénormalisation de la société, pour lui substituer le conformisme du marginal, du différent, de l'anormal, l'égalité de toutes les différences. Ou plutôt: pour lui substituer la tyrannie du marginal, du minoritaire, du différent, de l'anormal. Nous avons quitté les sociétés de norme pour entrer dans les sociétés d'une forme encore inédite de conformismes, ceux du minoritaire.

    N'y a-t-il pas plusieurs manières de comprendre la tournure de l'expression qui modifie l'article en question du Code pénal?

    La loi, désormais, dit: «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur (…) leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français». Le législateur se montre très obscur dans sa formulation. Il voulait sans doute dire: leur incapacité à s'exprimer en français. Mais le crétinisme du politiquement correct, qui exige que l'on dise malvoyant pour aveugle, personne à mobilité réduite pour handicapé moteur, élève en difficulté pour cancre ou sale gosse, et mal comprenant pour imbécile, exigeait le remplacement d'une approche positive (leur capacité à parler une autre langue que le français) à une approche négative, qui eût encouru le reproche d'être stigmatisant («leur incapacité à s'exprimer en français»). Le texte de la loi est mal écrit parce qu'il est dicté par la peur de stigmatiser ce qui vient d'ailleurs, l'exotique ; il est le fruit cette allophilie nourrie par l'autophobie à laquelle se réduit la mentalité de gauche aujourd'hui.

    Dans les faits, même s'il faut attendre de voir quelle jurisprudence sera établie, il apparaît que cette loi tendra à protéger tant les langues régionales que les langues étrangères. N'est-ce pas dangereux pour le français, consacré par la Constitution en son article 2 comme langue officielle de la République française?

    Il faut faire un sort différent aux langues régionales et aux langues étrangères. Ces langues (abusivement appelées «régionales») ne sont pas des langues étrangères.

    Les langues régionales font partie du patrimoine spirituel et littéraire de notre pays, elles ont droit au titre de «langues de la nation française». À Verdun, on mourait pour la France en langue d'oc, en breton, et en corse. Un groupe vocal corse, Arapà, mettra en vente ces jours-ci, dans la langue de leur île, un magnifique CD d'hommage aux poilus de la guerre de 14: «In Memoriam 1914-1918». Le français est la langue nationale de tous les citoyens, mais le gascon, par exemple, est la langue nationale (c'est-à-dire: qui appartient de façon indivisible à la nation française) des habitants du Gers et des Landes en plus du français. L'écrivain Joë Bousquet a dit que l'occitan (en fait l'ensemble des parlers d'oc, du limousin au provençal) du XIIIe est le tournant de la langue française. On ne saurait mieux affirmer la solidarité de ces deux langues, si différentes pourtant. Il n'y a pas concurrence entre les langues régionales et le français. Ces langues sont les langues autochtones du sol de France et de son peuple, elles sont aussi intimement liées à notre nation que nos paysages. Elles sont les langues de ceux qui ont fait notre pays. C'est pourquoi il faut les protéger et les revitaliser. Il ne faut pas oublier non plus que l'histoire de France ne commence pas en 1792! Qu'elle ne se réduit pas à la République. Que personne ne sait quel type de régime viendra après la République et la démocratie. La France est une entité plus grande dans le temps que la République. Il vaut mieux énoncer les choses ainsi: le français est la langue du régime républicain, mais pas la seule langue nationale de la France.

    De quoi l'extension infinie des objets de discrimination est-elle le nom?

    La gauche mène une politique des identités minoritaires. Toutes les identités sont valorisées, à longueur de journée et de textes de lois, sauf une seule, dont la prononciation même du nom appelle les insultes et les crachats, la risée et le mépris, l'identité française, ou l'identité nationale. Il n'en a pas toujours été ainsi. Il suffit de regarder les affiches de propagande du Parti Communiste Français des années 1960 et 1970 pour s'en rendre compte. Si elles tombaient sous leurs yeux, les petits-bourgeois écolo-responsables socialisants d'aujourd'hui y dénonceraient avec dégoût des thèmes «nauséabonds» chers au Front National. Outre qu'elle est le nom de cet émiettement de la société qui prépare le retour à l'état de nature (la guerre civile), la démence du fanatisme antidiscriminatoire est aussi le nom de la trahison de la gauche (sa haine la pousse à trahir aussi bien le petit peuple que la France).

    Cette loi n'est-elle pas un obstacle supplémentaire à l'assimilation, qui passe d'abord par l'apprentissage de la langue?

    Je répondrai en deux temps. D'une part, elle est un message de défaite adressé par la représentation nationale aux locuteurs des langues étrangères. Ne faites pas l'effort! Elle donne raison aux rappeurs: vous pouvez ni...r la France, elle vous dira merci. Elle sous-entend: pas la peine d'aimer la France, sa langue et son histoire. La France, ce n'est rien! D'autre part, elle dissout le français, dont la grammaire est devenue, selon certains pédagogues, à géométrie variable, dans un magma linguistique mondial appelé à relativiser le français sur sa terre d'origine. C'est une forme de disparition du français en France que prépare cette loi. Le croisement de ces deux remarques donne ceci: cette mesure est bien entendu un obstacle de plus à l'assimilation des populations d'origine extra-européennes et extra-chrétiennes récentes. Elle semble signifier que la gauche ne veut pas de cette assimilation.

    Robert Redeker, propos recueillis par Alexis Feertchak (Figaro Vox, 27 janvier 2017)

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  • «Le but de la politique est la continuation de la nation dans la durée»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Robert Redeker au Figaro Vox et  consacré au discours politique autour des "valeurs"... Philosophe, Robert Redeker est l'auteur de nombreux essais et vient de publier L'école fantôme (Desclée de Brouwer, 2016).

     

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    Robert Redeker : «Le but de la politique est la continuation de la nation dans la durée»

    FIGAROVOX. - Le mot «valeur» est partout en politique. On parle sans cesse des valeurs de la République. Qu'y a-t-il derrière l'omniprésence de ce mot?

    Robert REDEKER. - Pas grand-chose de consistant. Les valeurs ne sont ni des idées, ni des concepts, ni des principes. L'invocation politique rituelle des valeurs est une mode très récente. Plongez-vous dans la littérature politique d'il y a une trentaine d'années seulement, écoutez les discours d'alors, vous constaterez l'absence de ce recours obsessionnel aux valeurs. Au lieu de révéler ce que l'on pense, le mot valeur le dissimule. Pourquoi? Parce qu'il est aussi vague qu'abstrait. Il peut aussi cacher que l'on ne pense rien du tout, que l'on n'a pas de conviction arrêtée, justifier tous les revirements. Le même Premier ministre peut au nom des valeurs user et abuser du 49.3 avant de mettre à son programme présidentiel la suppression de ce 49.3 pour honorer ces valeurs!

    De trop nombreux politiciens sombrent dans l'illusion suivante: les valeurs sont les buts de l'action politique. Pourquoi faire de la politique? Pour les valeurs! C'est-à-dire pour du vide! Funeste erreur! On fait de la politique pour la nation, pour la France, pour le peuple, pour le social, pour l'histoire, jamais pour des valeurs. Les valeurs ne constituent ni la réalité d'un peuple ni un projet de société, ces objets de la politique. Elles sont trop inconsistantes pour définir un projet de cette nature. Les valeurs ne sont que le cadre à l'intérieur duquel la politique peut se déployer. Elles ne sont pas un programme, elles sont des bornes. Les valeurs sont hors politique, elles sont extra-politiques. Loin d'avoir affaire aux valeurs, la politique rencontre les projets, les réalités et, par-dessus tout, la nation et le souci du bien commun. .

    À gauche particulièrement, ce mot est dans toutes les bouches...

    La rhétorique creuse des valeurs est le linceul dans lequel a été enveloppé le cadavre de la gauche. C'est une thanatopraxie, le maquillage du cadavre. Cette fatigante psalmodie sur les valeurs évoque les récitations funéraires. C'est parce qu'elle est morte, parce qu'elle n'a plus rien à dire, plus rien à proposer pour l'avenir à partir de son passé (le socialisme), que la gauche se gargarise, de tréteaux en tribunes, avec les valeurs. Les valeurs fournissent la matière d'une péroraison se substituant aux défuntes promesses de socialisme (le progrès social, l'émancipation dans et par le travail). La thématique des valeurs est le dispositif que la gauche a bricolé pour basculer de la défense des classes populaires («les travailleurs» comme, elle disait d'un mot que symptomatiquement elle n'emploie jamais plus) vers celle des minorités sexuelles et ethniques. La gauche a abandonné son projet social (réaliser la justice économique) pour lui substituer un projet anthropologique (l'exaltation des différences sexuelles et culturelles). Le discours sur les valeurs a permis de prendre ce virage. Autrement dit, l'invocation des valeurs est le moyen trouvé par la gauche pour abandonner les classes populaires. L'extrême-droite récupère la mise. Dernier point: ce discours sur les valeurs est aussi l'instance qui la dispense la gauche du devoir d'inventaire. La ridicule prestation de Ségolène Royal aux obsèques de Fidel Castro est, à cet égard, pleine d'enseignements: la gauche ne parvient pas à condamner totalement certaines dictatures sanguinaires, donc à liquider l'inventaire, parce que celles-ci ont prétendu s'appuyer sur les idéaux (l'égalité, la justice, le partage, etc.…) dont elle se veut le bras armé.

    Lors de la primaire de la droite, les électeurs étaient invités à signer la charte des valeurs de la droite et du centre. Pour exprimer leur souhait que la droite retrouve son identité, beaucoup évoquent la «droite des valeurs». Est-ce le bon chemin que la droite emprunte?

    Je réponds en trois temps. D'une part, la droite s'est laissé imposer par une gauche pourtant en coma dépassé l'obligation d'en appeler sans cesse aux valeurs. Par la reprise de cette thématique, la droite se croit obligée de répliquer aux accusations permanentes d'anti-républicanisme et au soupçon larvé de racisme, de fascisme, voire d'inhumanité, que la gauche fait peser sur elle. Nous avons dans ce soupçon et dans la propension de la droite à y répondre, l'ultime résidu de feu l'hégémonie idéologique de la gauche. Mieux: la dernière métastase de l'antifascisme. D'autre part, évoquer des «valeurs de droite» revient à les relativiser. Le relativisme pointe le bout de son nez dès que l'on latéralise politiquement les valeurs. Si des valeurs existent, elles sont universelles. Il est plus pertinent de parler d'idées et de programmes de droite ou de gauche.

    À ces deux remarques il faut ajouter une précision. Les valeurs ne sont pas le contenu de l'action politique, mais ses frontières. Elles ne disent rien de positif, elles tracent des limites. Elles définissent un intérieur et un extérieur. La laïcité, par exemple, que l'on hisse au statut de valeur, est une telle frontière: elle exprime une limite à ne pas dépasser dans l'expression publique d'un sentiment religieux. À l'image de toutes les valeurs elle fonctionne comme le démon de Socrate: une voix intérieure qui dit non. Ainsi de toutes les valeurs. Ces frontières s'imposent à la droite comme à la gauche.

    Une civilisation est-elle définie par des valeurs, des coutumes, des attachements?

    Pas uniquement. Les aspects dont vous parlez procure à l'existence collective d'un peuple sa couleur, sa particularité. Si on se limite à ces aspects, on parlera plutôt d'une culture. La culture, toujours particulière, toujours bornée, toujours nationale, est le terreau à partir duquel une civilisation peut germer et se développer. Une civilisation se définit par ce qu'elle donne au monde, et qui est pourtant marqué du sceau de la culture qui la nourrit. La France donne au monde, entre autres choses, Molière et Stendhal, dont les œuvres n'auraient pu voir le jour ailleurs. Elle donne au monde son architecture, sa musique, ses savants, et même sa gastronomie… C'est le don irremplaçable, insubstituable, qui définit une civilisation plutôt que seulement ses valeurs et coutumes.

    La référence aux valeurs va souvent de pair avec le discours «droits-de-l'hommiste». N'y a-t-il pas un paradoxe entre des valeurs qui peuvent impliquer une forme de relativisme et des droits de l'homme qui sont considérés comme naturels et objectifs, dépassant les volontés humaines?

    Les droits de l'homme, devenus les droits humains, sont une invention métaphysique du XVIIIe siècle. Ils sont suspendus dans les nuées. Ils servent de principes structurant l'action politique, et non, comme les valeurs, de frontières. Ils sont affirmatifs, positifs, et non limitatifs, négatifs. La différence est alors celle-ci: posés au départ, les droits de l'homme ne sont pas déduits, ils sont une hypothèse politique, tandis que les valeurs sont un résultat, une construction politique. Plutôt que de paradoxe, je parlerai de jeu, comme d'un roulement à billes «qui a du jeu»: une valeur comme la laïcité trace la frontière que la liberté de penser et de croire, comprise dans les droits de l'homme, ne peut dépasser. Néanmoins il faut éviter d'être la dupe de ces droits de l'homme: ils n'ont rien d'évidents ni de nécessaires, ils sont une illusion métaphysique propre à une certaine civilisation. Ils n'auraient pu être inventés ailleurs que dans l'Europe chrétienne et rationaliste. Ils sont enfants d'une certaine civilisation, la nôtre. Ils ne sont pas universels, mais universalisables.

    L'histoire est faite de mots comme la nation ou la République qui sont davantage des êtres voire des personnes morales et fictives que des concepts ou des idées. Diriez-vous que l'abus du mot «valeur» traduit une certaine impuissance du politique, qui n'est plus en prise avec le réel?

    Guettée par le relativisme, souvent thanatopraxique, la péroraison sur les valeurs fait oublier l'essentiel, qui est ceci: le but de la politique est d'assurer la survie d'un peuple dans la durée malgré les vicissitudes et selon le souci du bien commun. La République est une structure politique, qui dans notre histoire s'est appelée tantôt monarchie, tantôt empire, ou tantôt «république» (au sens de démocratie). La nation est l'âme de cette structure. C'est une âme qui survit à chaque vie individuelle qu'ainsi qu'aux différents états de la République (les régimes politiques). C'est aussi une âme fragile, qui peut disparaître si on ne la nourrit pas (par la transmission). Qu'est ce que l'éducation publique sinon une forme de transmigration de cette âme, la nation, qui renaît de génération en génération? L'éducation est bel et bien une métempsychose politique. Le but final de la politique est la continuation de la nation dans son originalité irremplaçable par-delà l'existence et les intérêts de chacun. C'est de cela bien plus que des valeurs que gauche et droite doivent parler.

    Robert Redeker, propos recueillis par Alexis Feertchak (Figaro Vox, 16 décembre 2016)

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  • L'école fantôme...

    Les éditions Desclée de Brouwer viennent de publier un essai de Robert Redeker intitulé L'école fantôme. Philosophe, Robert Redeker, qui vit sous protection policière depuis près d'une dizaine d'années en raison des menaces de mort qu'il a reçues à la suite de la publication d'un texte hostile à l'islamisme, est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Egobody (Fayard, 2010), Le soldat impossible (Pierre-Guillaume de Roux, 2014) ou Le progrès ? Point final. (Ovadia, 2015).

     

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    " La destruction de l'École peut se dire en quelques mots : notre École est devenue une École-méduse, une École gélatineuse, aux professeurs et instituteurs changés en animateurs socio-culturels et gentils organisateurs du vivre-ensemble, bref en urgentistes du libéralisme. Quel est le sens de ce désastre ?

    Il est un lieu commun de dire que la crise de l'École indexe une crise de la société. Mais il faut prendre au sérieux le propos de Péguy, qui se montre plus profond que les travaux des sociologues et les réflexions des journalistes, en la comprenant comme une crise de vie. C'est moins la société qui est en crise, que la vie. Nous traversons une crise de la vie humaine, une crise de l'homme. Non de la vie sociale, non de la vie biologique, qui à leur façon passent par une crise aussi, mais de la vie en tant que vie humaine. Autrement dit : c'est l'homme, dans l'humanité de sa vie, qui est en question dans la triple crise épinglée par ce livre, crise de l'enseignement, crise de l'École, crise de l'éducation. C'est parce qu'on ne sait plus ce qu'est un homme, ce qu'est la vie humaine, ni non plus ce qu'est la mort humaine, qu'on ne sait plus ce qu'est l'École, ce qu'est l'éducation. "

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  • Tour d'horizon... (101)

     

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son site, Robert Redeker reprend un de ses papiers du Figaro dans lequel il évoque l’œuvre de Michel Foucault et son influence...

    Foucault l'incendiaire

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    - sur le site Idiocratie, un excellent article qui donne envie de découvrir l’œuvre cinématographique de Nicolas Winding Refn...

    Nicolas Refn, cinéaste post-fasciste

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  • L'utopie progressiste débouche sur l'enfer...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec le philosophe Robert Redeker, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la question du progrès. Robert Redeker vient de publier un essai intitulé Le progrès ? Point final. (Ovadia, 2015).

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    Robert Redeker : l'utopie progressiste débouche sur l'enfer

    FIGAROVOX. - L'idée de progrès, expliquez-vous, n'est plus le moteur des sociétés occidentales. Partagez-vous le constat de Jacques Julliard qui explique que le progrès qui devait aider au bonheur des peuples est devenu une menace pour les plus humbles?

    Robert REDEKER. - Le progrès a changé de sens. De promesse de bonheur et d'émancipation collectifs, il est devenu menace de déstabilisation, d'irrémédiable déclassement pour beaucoup. Désormais, on met sur son compte tout le négatif subi par l'humanité tout en supposant que nous ne sommes qu'au début des dégâts (humains, économiques, écologiques) qu'il occasionne. Le progrès a été, après le christianisme, le second Occident, sa seconde universalisation. L'Occident s'est planétarisé au moyen du progrès, qui a été sa foi comme le fut auparavant le christianisme. Il fut l'autre nom de l'Occident.

    Aujourd'hui plus personne ne croit dans le progrès. Plus personne ne croit que du seul fait des années qui passent demain sera forcément meilleur qu'aujourd'hui. Le marxisme était l'idéal-type de cette croyance en la fusion de l'histoire et du progrès. Mais le libéralisme la partageait souvent aussi. Bien entendu, les avancées techniques et scientifiques continuent et continueront. Mais ces conquêtes ne seront plus jamais tenues pour des progrès en soi.

    Cette rupture ne remonte-t-elle pas à la seconde guerre mondiale et de la découverte des possibilités meurtrières de la technique (Auschwitz, Hiroshima)?

    Ce n'est qu'une partie de la vérité. L'échec des régimes politiques explicitement centrés sur l'idéologie du progrès, autrement dit les communismes, en est une autre. L'idée de progrès amalgame trois dimensions qui entrent en fusion: technique, anthropologique, politique. Le progrès technique a montré à travers ses possibilités meurtrières sa face sombre. Mais le progrès politique -ce qui était tenu pour tel- a montré à travers l'histoire des communismes sa face absolument catastrophique. Dans le discrédit général de l'idée de progrès l'échec des communismes, leur propension nécessaire à se muer en totalitarismes, a été l'élément moteur. L'idée de progrès était depuis Kant une idée politique. L'élément politique fédérait et fondait les deux autres, l'anthropologique (les progrès humains) et le technique.

    Les géants d'Internet Google, Facebook, promettent des lendemains heureux, une médecine performante et quasiment l'immortalité, n'est-ce pas ça la nouvelle idée du progrès?

    Il s'agit du programme de l'utopie immortaliste. Dans le chef d'œuvre de saint Augustin, La Cité de Dieu, un paradis qui ne connaît ni la mort ni les infirmités est pensé comme transcendant à l'espace et au temps, postérieur à la fin du monde. Si ces promesses venaient à se réaliser, elles signeraient la fin de l'humanité. Rien n'est plus déshumanisant que la médecine parfaite et que l'immortalité qui la couronne. Pas seulement parce que l'homme est, comme le dit Heidegger, «l'être-pour-la-mort», mais aussi pour deux autres raisons.

    D'une part, parce qu'un tel être n'aurait besoin de personne, serait autosuffisant. D'autre part parce que si la mort n'existe plus, il devient impossible d'avoir des enfants. C'est une promesse diabolique. Loin de dessiner les contours d'un paradis heureux, cette utopie portée par les géants de l'internet trace la carte d'un enfer signant la disparition de l'humanité en l'homme. Cet infernal paradis surgirait non pas après la fin du monde, comme chez saint Augustin, mais après la fin de l'homme. Une fois de plus, comme dans le cas du communisme, l'utopie progressiste garante d'un paradis déboucherait sur l'enfer.

    La fin du progrès risque-t-elle de réveiller les vieilles religions ou d'en créer de nouvelles?

    Le temps historique des religions comme forces de structuration générale de la société est passé. Cette caducité est ce que Nietzsche appelle la mort de Dieu. La foi dans le progrès -qui voyait dans le progrès l'alpha et l'oméga de l'existence humaine- a été quelques décennies durant une religion de substitution accompagnant le déclin politique et social du christianisme. Du christianisme, elle ne gardait que les valeurs et la promesse d'un bonheur collectif qu'elle rapatriait du ciel sur la terre. Bref, elle a été une sorte de christianisme affaibli et affadi, vidé de toute substance, le mime athée du christianisme. Les conditions actuelles -triomphe de l'individualisme libéral, règne des considérations économiques, course à la consommation, mondialisation technomarchande-, qui sont celles d'un temps où l'économie joue le rôle directeur que jouaient en d'autres temps la théologie ou bien la politique, sont plutôt favorables à la naissance et au développement non de religions mais de fétichismes et de fanatismes de toutes sortes. L'avenir n'est pas aux grandes religions dogmatiquement et institutionnellement centralisées mais au morcellement, à l'émiettement, au tribalisme du sentiment religieux, source de fanatismes et de violences.

    Peut-on dire que vous exprimez en philosophie ce que Houellebecq montre dans Soumission: la fin des Lumières?

    Il doit y avoir du vrai dans ce rapprochement puisque ce n'est pas la première fois qu' l'on me compare à Houellebecq, le talent en moins je le concède. Ceci dit dans ma réflexion sur le progrès je m'appuie surtout sur les travaux décisifs de Pierre-André Taguieff auquel je rends hommage. Ce dernier a décrit le déclin du progrès comme «l'effacement de l'avenir». Peu à peu les Lumières nous apparaissent comme des astres morts, dont le rayonnement s'épuise. Rien n'indique qu'il s'agisse d'une bonne nouvelle. Cependant, cet achèvement n'est non plus la revanche des idées et de l'univers vaincus par les Lumières. Elle n'annonce pas le retour des émigrés! Cette fin des Lumières n'est pas la revanche de Joseph de Maistre sur Voltaire!

    Le conservatisme, vu comme «soin du monde» va-t-il remplacer le progressisme?

    Les intellectuels ont le devoir d'éviter de se prendre pour Madame Soleil en décrivant l'avenir. Cette tentation trouvait son origine dans une vision nécessitariste de l'histoire (présente chez Hegel et Marx) que justement l'épuisement des Lumières renvoie à son inconsistance. Pourtant nous pouvons dresser un constat. Ce conservatisme est une double réponse: au capitalisme déchaîné, cet univers de la déstabilisante innovation destructrice décrite par Luc Ferry (L'Innovation destructrice, Plon, 2014), et à l'illusion progressiste. Paradoxalement, il s'agit d'un conservatisme tourné vers l'avenir, appuyé sur une autre manière d'envisager l'avenir: le défunt progressisme voulait construire l'avenir en faisant table rase du passé quand le conservatisme que vous évoquez pense préserver l'avenir en ayant soin du passé. La question de l'enseignement de l'histoire est à la croisée de ces deux tendances: progressiste, l'enseignement de l'histoire promu par la réforme du collège est un enseignement qui déracine, qui détruit le passé, qui en fait table rase, qui le noie sous la moraline sécrétée par la repentance, alors que l'on peut envisager un enseignement de l'histoire qui assurerait le «soin de l'avenir» en étant animé par le «soin du passé».

    Robert Redeker, propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers (Figarovox, 12 juin 2015)

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  • Le progrès ? Point final...

    Les éditions Ovadia viennent de publier un essai de Robert Redeker intitulé Le progrès ? Point final. Philosophe, Robert Redeker, qui vit sous protection policière depuis près d'une dizaine d'années à la suite de la publication d'un texte hostile à l'islamisme, est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Egobody (Fayard, 2010) ou Le soldat impossible (Pierre-Guillaume de Roux, 2014).

     

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    " La religion du progrès – le progrès étant le second Occident, la seconde universalisation de l’Occident après le christianisme – est morte. Plus personne ne croit au Progrès, qui a pris il y a deux siècles la succession de Dieu comme objet de foi collective. Le progrès est la croyance en un accomplissent de l’humanité dans l’histoire selon une fin donnée d’avance (le bien, le vrai, le juste). Cet accomplissement est supposé avec le bonheur et la perfection de l’humanité. C’est pourquoi le progrès peut être tenu pour l’opium de l’histoire : l’idée qui occulte la réalité tout en faisant rêver, comme dans les projets de paix perpétuelle, à une illusoire et réconfortante réconciliation finale de l’humanité avec elle-même. Cette dissection du cadavre du progrès passe, en toute logique, par la radiographie des annexes du progrès : l’utopie, le totalitarisme. Comment le progrès, ce catéchisme de la raison, a-t-il pu, à la semblance du sommeil de la raison, engendrer des monstres ? La question de l’éclosion puis du trépas du progrès est en effet aussi une question politique. La société contemporaine est aux prises avec les produits de la décomposition du progrès. L’auteur de ce livre retrace la généalogie de cette foi dans le progrès, inspecte les causes de son trépas, dessine les traits d’un monde post-progressiste. Pour y parvenir, il convoque la philosophie, l’art, la sociologie et la théologie. "

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